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Rapports d’activité et financier 2022

mercredi 12 juillet 2023

Mot du président

Dans un contexte global de retour de la guerre sur le sol européen, d’entrée massive et effrayante de l’extrême droite au Parlement français, de repli national derrière la poursuite du rétablissement des contrôles frontaliers, les zones d’attente, part sombre et invisibilisée de l’arsenal français de criminalisation des migrations, ont été à plusieurs reprises au cœur des débats médiatiques et politiques en 2022.

Sur le plan européen, c’est la Commission européenne qui en fait la promotion à travers son projet de Pacte européen sur la migration et l’asile, dont le premier pilier est celui du « filtrage » aux frontières extérieures de l’Union. Par ce texte, la Commission entend généraliser le modèle français de la zone d’attente. À l’opposé total de l’impératif de protection des droits fondamentaux des personnes en migration, la Commission européenne et le Gouvernement français promeuvent une idéologie de l’enfermement administratif et du renvoi expéditif, qui coûte la liberté, l’intégrité physique et morale et parfois la vie à des personnes en recherche de protection internationale, d’une vie meilleure ou simplement d’un voyage touristique.

En France, cette idéologie a encore contraint des milliers de personnes à subir des privations de liberté dans des conditions indignes confinant, parfois, à des traitements inhumains et dégradants, à subir des violations de leurs droits et des procédures, à souffrir de manques de soins, d’hygiène, de nourriture, de protections hygiéniques, de médicaments, etc. Cette idéologie a encore conduit les autorités françaises à enfermer des centaines d’enfants en violation des engagements internationaux pris par la France.

Aux frontières intérieures terrestres, les contrôles discriminatoires, les procédures irrégulières, les refoulements immédiats, les violations du droit d’asile, des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant et les détentions arbitraires se sont poursuivies. Des personnes ont été blessées, parfois grièvement. Certaines ont perdu la vie. Les frontières tuent. L’enfermement abime, maltraite et violente.

La campagne « Fermons les zones d’attente » pour l’abolition de l’enfermement aux frontières a permis une visibilité du travail de l’Anafé et des conditions indignes dans lesquelles des milliers de personnes sont enfermées chaque année.

L’année 2022 a également été marquée par la poursuite des intimidations et pressions exercées par les forces de l’ordre sur les personnes en migration ainsi que sur les personnes solidaires, dont plusieurs militants et militantes de l’Anafé. Les pressions touchent également les associations. C’est pour cela que le conseil d’administration a décidé début 2022 de participer aux actions collectives de dénonciations des atteintes aux libertés associatives. L’Anafé est scandalisée par les tentatives d’intimidations du ministre de l’intérieur et d’une partie de la classe politique à l’encontre d’un membre fondateur de l’association : la section française de la Ligue des droits de l’Homme.

L’opération menée par l’Anafé et ses partenaires au sein de la zone d’attente temporaire de Toulon a permis de mettre en lumière les mensonges du ministère de l’intérieur, les violations systémiques des droits et procédures, les souffrances endurées par les personnes qui les subissaient. Le travail de l’Anafé et de ses nombreux partenaires a également permis de montrer qu’une autre politique migratoire était non seulement possible mais, en outre, absolument nécessaire, basée sur l’accueil et la protection et non plus sur le tri, l’enfermement et l’éloignement.

Et pourtant, le projet de loi contrôler l’immigration, améliorer l’intégration entend restreindre encore davantage les droits des personnes en migration. Ce projet de loi marque une restriction sans précédent du peu de droits des personnes enfermées en zone d’attente notamment en ce qu’il restreint encore plus l’accès au juge, en généralisant la délocalisation de tribunaux et la visioaudience tout en étendant les délais du juge pour statuer.

Or, la zone d’attente permet de maintenir les corps des personnes enfermées à disposition de l’autorité policière le temps d’organiser les renvois dans un cadre juridique très défavorable. Elle est basée sur un dogme qui fait primer une supposée utilité matérielle de l’enfermement sur les illégalités procédurales, sur les violations systémiques des droits fondamentaux et sur son incompatibilité manifeste avec le droit international et l’éthique.

Qu’il soit mis fin à l’obsession de l’enfermement des personnes exilées aux frontières et à l’idéologie de stigmatisation et criminalisation des migrations.

Alexandre Moreau, Président

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