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Brève 2010 - Parce que nul n’est censé ignorer la loi…

lundi 1er avril 2013

Parce que nul n’est censé ignorer la loi…

En zone d’attente il existe une mince garantie, une trêve dans la course aux renvois pour les demandeurs d’asile. Cette garantie c’est le caractère suspensif du « recours asile « (RATATA).

48 heures de tranquillité théorique durant lesquelles la police aux frontières (PAF) ne peut vous obliger à reprendre l’avion ou le bateau.

C’était sans compter sur une conversation téléphonique édifiante avec la PAF de Marseille, à propos de Doris.

Doris est Ivoirienne. Elle est arrivée de Casablanca par avion, à l’aéroport de Marseille. Placée en zone d’attente, Doris a déposé une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile, mais cette demande a été rejetée par le ministère de l’immigration. Son avocat a alors déposé immédiatement un recours contre cette décision de rejet, enfermé dans un délai de 48h. Cependant, le lendemain matin il nous a contacté pour nous alerter que la police avait pourtant essayé de la renvoyer un peu plus tôt dans la matinée vers le Maroc, son pays de provenance.

Nous avons alors téléphoné aux agents de la PAF pour comprendre ce qui s’était passé.

On nous a alors expliqué qu’ayant eu une connaissance tardive du recours déposé par l’avocat, les agents en service n’étaient pas au courant lorsqu’ils avaient tenté de refouler Doris.

Un cours de droit s’est alors imposé ; il s’agissait de rappeler qu’au titre de la loi, et plus précisément de l’article L213-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la personne qui sollicite l’asile et qui voit sa demande rejetée ne peut être renvoyée avant l’expiration d’un délai de 48h suivant la décision de rejet ou, en cas de dépôt d’un « recours asile » devant le Tribunal administratif, avant que le jugement soit rendu.

Il semblerait pourtant qu’à Marseille, la PAF ne comprenne pas les textes de la même façon. En effet, pour la PAF seul le dépôt d’un recours peut suspendre le renvoi, le délai de 48h étant entendu comme indicatif. Ce ne serait que par acte de "bonté" qu’en pratique les agents accepteraient de considérer le délai comme suspensif.

Bien mieux : les agents de la PAF marseillais ne tireraient pas leurs ordres de la loi : c’est la hiérarchie qui compte, et la hiérarchie avait décidé du renvoi de Doris. Et d’ailleurs, qu’on se le dise, l’appréciation du recours comme étant suspensif ne serait que pure interprétation des textes de la part de l’ANAFE, rien dans la lettre de la Loi du 20 novembre 2007…

En attendant, Doris est de retour en zone d’attente, puisqu’elle a refusé l’embarquement, ce qui, loin d’être un droit, constitue un délit [1].

Au bout du compte, pas de libération pour Doris. Elle a été renvoyée vers Casablanca par bateau cinq jours après sa première audience devant le Juge des libertés et de la détention (JLD), qui contrôle les conditions et motifs du maintien en zone d’attente. Avec escorte policière, c’est encore mieux, qui l’insulte et la raille, avant remise aux autorités marocaines.

L’histoire ne s’arrête pas là pour Doris. De zone d’attente en zone d’attente, elle se promène. A Casablanca, elle est maintenue dans une partie de l’aéroport, sans aucune assistance : pas d’accès aux toilettes, à l’eau ou à de la nourriture si elle ne peut pas payer.

On lui soustrait son billet de retour vers Abidjan. Pour rentrer chez elle, Doris doit payer à la police marocaine une certaine somme d’argent. Ses parents ont finalement pu réunir la somme suffisante pour la faire quitter le poste de police.

Aujourd’hui, Doris a regagné Abidjan, après moult péripéties et difficultés à la frontière.

Clémentine, Intervenante Anafé, 2010

Documents joints

Notes

[1Délit de soustraction à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée sur le territoire (art. 624-1 CESEDA).