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Brève 2011 - Refoulée sur parole

lundi 4 novembre 2013

Refoulée sur parole

E.S. est camerounaise, elle vit en République Tchèque depuis 2007. Elle y a un emploi, est mariée à un ressortissant tchèque et dispose à ce titre d’une carte de séjour. En janvier elle est partie passer quinze jours de vacances à Yaoundé (Cameroun), pour rendre visite à sa famille.

A son retour, E.S. fait une première escale à Casablanca (Maroc) et passe ensuite par l’aéroport d’Orly où elle doit prendre un dernier vol à destination de Prague. Mais la police aux frontières (PAF) estime que son passeport est falsifié, et par conséquent que son titre de séjour tchèque est invalide car obtenu frauduleusement. E.S. doit donc être placée en zone d’attente le temps d’organiser son renvoi vers le Maroc, pays de provenance.

E.S. contacte alors la permanence téléphonique de l’Anafé. Deux possibilités de libération se présentent : une devant le juge des libertés et de la détention - gardien des libertés individuelles - après quatre jours de maintien, l’autre étant de saisir le Tribunal administratif compétent d’un référé liberté, seule mesure de sauvegarde possible pour les non demandeurs d’asile dans le but de faire cesser urgemment une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale.

Bien qu’il ne soit pas en mesure de suspendre la procédure de renvoi, un référé liberté est alors rédigé sur le fondement d’une atteinte à la liberté de circulation et au droit au respect de la vie privée et familiale de E.S. Celui-ci pourtant sera rejeté par le Tribunal administratif, sans même que soit organisée une audience où E.S. aurait pu s’exprimer, expliquer sa situation et surtout contredire la position de la PAF quant à l’authenticité de son passeport.

Parallèlement, le juge des libertés et de la détention a seulement pris acte de la décision de rejet du Tribunal administratif pour prolonger de huit jours le maintien de E.S. en zone d’attente. Encore une fois, E.S. n’a pas eu l’occasion de s’exprimer, et le juge n’a pas demandé à voir le présumé faux passeport.

La PAF n’a ensuite pas perdu de temps, E.S a été renvoyée vers Casablanca le soir même de l’audience, et sans ses papiers d’identité, constituant un obstacle certain à son retour en Europe. L’Anafé a tenté de faire appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention mais, faute d’effet suspensif, cela n’a ni empêché ni retardé son refoulement.

Une chose est sûre, la machine à refouler est bien rodée, quitte à renvoyer des personnes résidant légalement sur le territoire européen, sans prendre le temps de vérifier les informations auprès des autorités concernées.

En quatre jours, la PAF n’aura ainsi jamais accordé la moindre importance aux dires de E.S, ni cherché à contacter les autorités camerounaises et tchèques qui lui ont délivré ses documents. Et personne n’a un seul instant songé à mettre en doute l’appréciation de la PAF sur l’authenticité du passeport...

Aujourd’hui E.S. est bloquée à Yaoundé où elle attend la délivrance de son nouveau passeport. Son mari a contacté les autorités tchèques qui ont fourni une attestation sur la régularité de son titre de séjour afin de faciliter sa demande de visa. Mais subsiste un problème : la République Tchèque n’a pas de représentation diplomatique au Cameroun. Pour obtenir un visa de cet État, E.S. devrait donc se rendre au Nigeria ou en Côte d’Ivoire ; on lui aurait donc conseillé de faire sa demande de visa auprès du consulat de France...

Yanne, Intervenante Anafé, 2011

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