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Brève 2012 - De Babel à Roissy

lundi 1er septembre 2014

De Babel à Roissy

Certaines permanences juridiques sont plus difficiles que d’autres.

Ce jour-là, la permanence en zone d’attente de Roissy s’est avérée des plus frustrantes en termes de communication. Comment informer et aider une personne avec laquelle on ne peut pas communiquer, faute de parler la même langue ?

En zone d’attente aucun service d’interprétariat gratuit n’est prévu. L’Anafé s’appuie sur un réseau d’interprètes bénévoles, qui nous sont d’une aide précieuse lors des permanences.

Mais ce jour-là, les interprètes étaient soit injoignables soit indisponibles. Plus encore, la présence d’un couple d’Albanais à Roissy nous a fait nous rendre compte que nous ne disposions d’aucune ressource dans leur langue.

S’en sont suivies des heures d’incompréhension totale, à écouter la détresse de demandeurs d’asile s’exprimant en ourdou, en kurde ou encore en albanais, sans comprendre un seul mot.

Impossible d’expliquer à ces personnes la procédure de maintien en zone d’attente, et, a fortiori, de rédiger leur recours asile. Les acrobaties de google traduction ou les dessins improvisés ne nous étaient d’aucun secours.

Dans un système basé sur le bénévolat, le concours d’un interprète est un enjeu crucial. Les aléas de disponibilité, purement pratiques, se transforment en condition sine qua non pour l’assistance juridique.

En outre, il est crucial que l’interprète parle précisément la même langue que la personne maintenue.
Le kurde de Syrie n’est pas la même langue que le kurde d’Irak ou d’Iran, pour ne citer que cet exemple.

Enfin, on ne dira jamais assez qu’être interprète, c’est un métier. Il n’est pas rare qu’un maintenu fasse office de traducteur pour un autre. Cette circonstance ne met pas à l’abri de situations dans lesquelles le traducteur teinte son propos de ses propres considérations, de sa propre perception, voire contredise la personne qui s’exprime.

Cela est d’autant plus délicat lorsqu’il s’agit d’un demandeur d’asile ; le cas de figure où une personne demande l’asile en raison de ses engagements politiques se trouve confrontée à un interprète opposé à ses prises de positions est une illustration parmi d’autres des difficultés liées à l’interprétariat et au principe de confidentialité de la demande d’asile.

Trouver un interprète, d’une part, et parvenir à établir une relation de compréhension et de confiance, d’autre part, sont le lot quotidien des intervenants en zone d’attente et constitue une difficulté majeure dans la réalisation des permanences juridiques.

Alice, Intervenante Anafé, 2012

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