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Brève 2014 - Refoulement aux frontières - les Français aussi

mardi 1er décembre 2015

Refoulement aux frontières : les Français aussi !

Pour un Français lambda qui revient d’un séjour touristique à l’étranger, l’aéroport est synonyme de retour à la maison. Pas de préoccupation donc lors du contrôle effectué par la police aux frontières (PAF), qui s’apparente à une simple formalité. Souvent, les touristes de retour en France n’ont même pas connaissance des quelques 10 000 personnes qui se voient refuser l’accès au territoire français chaque année, soit parce qu’elles ne remplissaient pas les conditions d’entrée dans l’espace Schengen, soit parce qu’elles sollicitaient une entrée sur le territoire au titre de l’asile. En 2012, sur les 12 000 personnes environ qui se sont vues refuser l’entrée sur le territoire, près de 9 000 ont été placées en « zone d’attente », le temps pour la PAF d’organiser leur renvoi vers leur pays de provenance1. La durée maximale de ce maintien est de 20 jours. Les personnes arrivées à Roissy sont enfermées en « ZAPI 3 » ou « zone d’attente pour les personnes en instance » [de renvoi], bâtiment isolé situé à l’extérieur de l’aéroport. Pour les 66 autres zones d’attentes de France, le maintien a lieu dans des cellules situées à proximité des locaux de police, dans des salles de maintien spécifiques ou encore à l’hôtel. A Orly, les personnes sont maintenues dans une salle spécifique la journée et emmenées à l’hôtel la nuit.

Adrien est de nationalité française, né en France. Début 2014, il est parti en vacances trois semaines à Bamako avec un groupe d’amis. A son retour, lorsqu’ils se présentent au poste-transfrontière à l’aéroport d’Orly, il est le seul auquel les officiers de la PAF opposent un refus d’entrée. Après avoir examiné la photographie figurant sur le passeport d’Adrien, ils décident qu’elle ne lui correspond pas, sans prendre en compte le fait qu’elle date de plus de 10 ans et qu’Adrien a déjà voyagé plusieurs fois avec ce passeport. Il est alors placé en zone d’attente au motif que ses « documents de voyage [sont] usurpés ». Les bénévoles de l’Anafé parviennent à le joindre par téléphone et lui conseillent de demander à sa famille d’apporter au plus vite des preuves de son identité et de sa vie en France afin que la PAF infirme sa décision. Mais, par la suite, l’Anafé apprendra qu’Adrien a été « réacheminé » vers Bamako trois jours après son arrivée, sans précision supplémentaire de la part des officiers de police. Plus grave encore : l’usurpation d’identité dont il est accusé a sans doute conduit à son « fichage » dans le Système d’information Schengen (SIS), instrument commun de contrôle des entrées dans l’espace Schengen, ce qui rendra son retour sur le territoire français très difficile.

Ayant toujours vécu en France, Adrien a fait part de sa surprise lorsque l’Anafé l’a contacté par téléphone le jour de son arrivée pour lui expliquer la procédure de maintien et le risque de renvoi : il a d’abord cru à une plaisanterie et s’est même pris au jeu en rétorquant qu’il avait sans doute « pris des couleurs » au Mali. Pourtant, cette décision discrétionnaire de la PAF était on ne peut plus sérieuse et lourde de conséquences pour Adrien. La nationalité française ne protège donc pas du zèle des officiers de la PAF dans le contrôle des frontières et la lutte contre l’immigration dite « clandestine ».

Mikele, Intervenante Anafé, 2014

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1 Y compris pour les demandeurs d’asile lorsque leur demande a été considérée comme « manifestement infondée » et que le délai de recours de 48 heures est expiré.

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