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Brève 2014 - Un militant contre les politiques migratoires européennes en ZA

mardi 1er mars 2016

Un militant contre les politiques migratoires européennes en ZA

Emre est un jeune étudiant turc en art cinématographique qui réside régulièrement à Weimar, en Allemagne. Il a décidé de quitter son pays il y a quelques années par opposition au régime politique actuellement en place. Emre est aussi un militant engagé pour les droits des migrants et contre les actions de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (FRONTEX1) qui, selon lui, est la source d’une « politique inhumaine »2.

Le 26 juin 2014, il devait se rendre à Bruxelles pour une grande manifestation contre cette agence : « freedom not frontex »3. Mais, ironie du sort, quand Emre rentre de ses vacances à la Havane en passant par Roissy, il est stoppé au poste transfrontière par les autorités françaises. Ayant laissé son visa et son titre de séjour allemand dans sa valise en soute, Emre n’a pu présenter que son passeport lors du contrôle de police à l’aéroport et a de ce fait été placé en zone d’attente le 23 juin 2014.

Emre passe alors plus de huit heures dans la salle de maintien de l’aérogare du terminal 2 E, sans pouvoir, selon ses déclarations, ni boire, ni manger, ni aller aux toilettes, avant d’être amené au lieu d’hébergement de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy (dite ZAPI 3). Ce délai excessif de transfert est pourtant contraire aux exigences du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). De plus, Emre n’aurait pu avoir accès qu’une seule fois au téléphone afin de tenter de contacter son frère pour le prévenir de sa situation. Ce dernier, qui voyageait avec lui, aurait pu l’aider à remettre à la police la précieuse valise qui contenait son titre de séjour. Mais, lors de l’appel qui lui a été accordé, Emre n’a pas réussi à le joindre. Cet accès limité au téléphone est également contraire aux exigences du CESEDA.

Une fois arrivé en ZAPI 3, Emre se présente à la permanence juridique de l’Anafé. Nous parvenons alors à comprendre que la police aux frontières (PAF) a bien récupéré sa valise, mais conteste à présent l’authenticité de son titre de séjour allemand. Ce n’est qu’après 24 heures et une seconde vérification auprès des autorités allemandes que la PAF accepte qu’Emre poursuive son voyage vers l’Allemagne, son pays de résidence.

Cependant, Emre devait initialement se rendre à Amsterdam pour y rejoindre son frère. Il demande alors à la police s’il peut se rendre au Pays-Bas, mais celle-ci lui répond que c’est impossible faute d’être en possession de son visa qui se trouve dans sa valise, qui elle est bien repartie - sans attendre son propriétaire - vers Amsterdam. En effet, la PAF, après avoir obtenu confirmation de l’authenticité des documents d’Emre, a pris le soin de remettre sa valise dans un avion pour Amsterdam. Emre, lui, est resté bloqué à la frontière française sans ses papiers. S’il ne veut pas être rapatrié vers la Havane, sa ville de provenance, il doit accepter d’être renvoyé vers Düsseldorf en Allemagne, en payant au préalable un visa de régularisation de 60 euros, pour avoir voyagé sans son titre de séjour.

Finalement, Emre a accepté de repartir vers Düsseldorf. Là-bas, il devra regagner par ses propres moyens Amsterdam, où il pourra enfin retrouver ses documents d’identité et de voyage afin de se rendre régulièrement à Bruxelles pour participer à la grande manifestation organisée en faveur de la liberté de circulation des migrants.

Migrants dont les droits sont trop souvent bafoués par une politique migratoire européenne draconienne et suspicieuse à outrance. Emre, comme tant d’autres, en aura fait les frais… mais son engagement militant n’en sera que très certainement renforcé.

Margot, Intervenante Anafé, 2014

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1 http://frontex.europa.eu/
2 http://www.frontexit.org/fr et http://freedomnotfrontex.noblogs.org/
3 « La liberté et non Frontex »

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