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Lettre ouverte à Mr Hortefeux, ministre chargé de l’immigration, sur les dangers de la réforme ministérielle relative aux interventions de la société civile dans les centres de rétention administrative - 16 octobre 2008

Lettre ouverte

jeudi 16 octobre 2008

Premiers signataires :

ACAT-France, ACT-UP, ADDE (association de défense du droit des étrangers), Amnesty International Section française, ANAFE, APSR (Association pour les Personnels de santé réfugiés), ATTAC, CCFD, CERAS (Centre de recherche et d’action sociale), CFDT, CGT, CIMADE, COMEDE, Comité d’aide aux réfugiés, Comité Tchétchénie, CRID (Centre de recherche et d’information pour le développement), DOM’ASIL, ELENA (Association d’avocats liés au Comité Européens des Exilés et Réfugiés), Fédération de l’Entraide Protestante, Fédération SUD Education, Fédération syndicale Unitaire, GAS (Groupe accueil et solidarité), GISTI, Hors la rue, Ligue des droits de l’Homme, Médecins du monde, Migrations santé, Montgolfière, MRAP, RESF, Secours Catholique, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, SOS soutien aux sans papiers, Union syndicale solidaires, UNSA

Monsieur le Ministre,

Vous avez réformé l’été dernier, par décret, les conditions d’intervention de la société civile dans les centres de rétention administrative (CRA).

Cette réforme, telle qu’elle est engagée, n’est pas acceptable et nous vous avons demandé d’y renoncer. Nous avons en effet la conviction profonde que votre démarche ne peut qu’aggraver dramatiquement les situations vécues par les retenus en même temps que dégrader substantiellement ces conditions d’intervention.

Nous vous en avons exposé les raisons :

- Votre réforme dénature le sens même de la mission. Là où il s’agissait d’aider concrètement les personnes retenues à avoir accès aux droits, vos textes ne mentionnent plus que la seule mission d’information.

- Elle vise à contrarier toute observation, analyse et réaction d’ensemble sur la situation prévalant dans les centres de rétention. Pour ce faire, elle morcelle le territoire national en lots, empêche de fait tout acteur associatif de se doter d’une vision globale, et plus encore, interdit toute coordination efficace et indispensable pour une véritable défense effective des droits fondamentaux des personnes retenues.

- Elle privilégie la mise en oeuvre d’un appel d’offres de marchés publics ouvert à des opérateurs autres que les associations spécialisées. Ce faisant, elle menace l’exercice des droits fondamentaux des personnes retenues.

- Enfin, elle fait obstacle au débat public sur les conditions d’enfermement des retenus. L’exigence de neutralité, de discrétion et de confidentialité de la part des associations vise à empêcher témoignages et alertes sur les situations contraires au respect des droits fondamentaux.

Cette volonté d’entraver l’action de la société civile est d’autant plus inquiétante qu’elle intervient dans un contexte marqué par une « politique du chiffre » en matière d’éloignement des étrangers et les menaces contenues dans la « directive retour » adoptée par le Parlement Européen, qui allonge lourdement la durée de la rétention.

A ce jour, suite à nos demandes de concertation, nous avons recueilli de votre part des réponses qui n’en sont pas. Vos services se sont limités à apporter quelques précisions qui confirment par ailleurs les termes de la réforme engagée. Cette conception du dialogue nous apparaît totalement inadéquate au regard des enjeux de droit, de démocratie et tout simplement d’humanité qui sont en cause.

Car si elle devait s’appliquer, votre réforme se traduirait - quelle que soit la qualité du travail associatif engagé - par une multiplication de drames humains, une dégradation tragique des situations individuelles et familiales, la production d’injustices dont vous savez comme nous qu’elles ne peuvent être évitées que par l’expérience et l’engagement des intervenants.

En quelques jours, des dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont signé une pétition vous demandant instamment de renoncer à votre réforme. Par ailleurs, saisi par les soins de certains d’entre nous, le tribunal administratif en a examiné l’un des volets et a ordonné la suspension immédiate de l’application de votre appel d’offres.

Ce contexte, Monsieur le Ministre, rend absolument nécessaire l’ouverture d’une concertation. Sachez saisir cette occasion de faire respecter les principes d’application des droits fondamentaux dans la rétention administrative. A défaut, vous porteriez l’entière responsabilité de l’aggravation des manquements que nous dénonçons déjà depuis longtemps.