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Roissy : trois policiers suspendus après la mort d'un Somalien

Le Monde - 22 janvier 2003


Une enquête administrative et une information judiciaire contre X... pour homicide involontaire ont été ouvertes, mardi 21 janvier, suite au décès samedi à l'aéroport de Roissy d'un Somalien en situation irrégulière qui devait être reconduit en Afrique. Dans l'attente des résultats de l'enquête judiciaire, le ministre de l'intérieur a décidé de suspendre provisoirement les trois policiers qui ont escorté ce jeune homme de 24 ans.

Le ministre de l'intérieur a annoncé, mardi 21 janvier, la suspension provisoire de trois fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) de l'aéroport de Roissy, suite à la mort, samedi, d'un Somalien sans-papiers qui devait être reconduit en Afrique. "Au vu des premiers résultats de ces travaux (NDLR : de l'enquête administrative), le ministre a décidé, mardi, de suspendre les trois policiers chargés de l'escorte dans l'attente des conclusions de l'enquête judiciaire", indique un communiqué de la direction générale de la police nationale (DGPN).

"Il s'agit d'une mesure conservatoire qui ne préjuge en rien la suite d'une procédure dorénavant confiée à la justice et qui permettra à celle-ci de se dérouler dans la sérénité", ajoute le communiqué.

Le parquet de Bobigny, qui a saisi l'inspection générale des services pour diligenter cette enquête administrative, a ouvert mardi une information judiciaire contre X... pour homicide involontaire. "A l'issue du compte-rendu d'autopsie réalisée par deux experts médecins légistes, le parquet a requis l'ouverture d'une information judiciaire contre X... du chef d'homicide involontaire afin de poursuivre les investigations tant sur les faits que sur le plan médico-légal", indique-t-il.

Le parquet ne précise pas en revanche les causes de la mort retenues par les médecins légistes après l'autopsie pratiquée. Mariame Getu Hagos, un ressortissant somalien âgé de 24 ans, arrivé de Johannesburg à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 11 janvier et déclaré non admis, avait refusé à plusieurs reprises son embarquement de force et devait être reconduit samedi sous escorte de la police de l'air et des frontières sur le vol AF 990 en direction de Johannesburg. "Pour l'exécution de la mesure administrative, les fonctionnaires de police ont usé de la contrainte à l'égard de cette personne, qui avait auparavant simulé des malaises et qui se débattait", précise le parquet dans son communiqué. "Au cours de cette opération, le ressortissant somalien a perdu connaissance puis, après les premiers secours, a été admis dans un hôpital de la banlieue parisienne (NDLR : l'hôpital Robert-Ballanger de Villepinte, en Seine-Saint-Denis), où il est décédé le 18 janvier après une phase de coma", ajoute la même source.

Ce décès a fait ressurgir le débat sur les conditions de renvoi aux frontières des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, "exige que toute la lumière soit faite par les services d'expertises médicales et par la justice". Dans un communiqué, M. Aounit ajoute qu'''une fois de plus et une fois de trop, le MRAP est amené à constater qu'un débouté du droit d'asile est renvoyé par la force dans son pays d'origine dans des conditions telles qu'il décède d'un malaise dans l'avion". "Et ce après deux malaises précédant l'embarquement qui auraient été qualifiés de simulation par un médecin", poursuit l'organisation. Le MRAP "demande fermement qu'à l'avenir toute personne prise de malaise dans les locaux de rétention administratifs ou en cours d'éloignement forcé soit immédiatement conduite au service des urgences de l'hôpital de l'Assistance publique le plus proche".

L'association Droits devant !! a demandé à Air France de refuser d'assurer l'expulsion d'immigrés sur ses vols. "Force est de constater que la compagnie nationale laisse les forces de l'ordre pratiquer des actes barbares en toute impunité", déclare-t-elle mardi dans un communiqué. Droits devant !! souligne que le président d'Air France, Jean-Cyril Spinetta, avait exigé des "garanties de précaution" lors de l'éloignement par la force de sans-papiers. "Nous considérons que la responsabilité de la compagnie est engagée et qu'elle ne peut continuer à assister à de telles atteintes à l'intégrité physique et à des sévices pouvant aller jusqu'à la mort dans le plus grand silence", écrit l'association.

Droits devant !! a souligné qu'il s'agit du second décès d'un sans-papiers expulsé en moins d'un mois : le 30 décembre, un Argentin était mort dans des conditions similaires après avoir été entravé par des policiers sur son siège, selon l'association de défense des droits de l'homme.