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ssociation nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers

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Communiqué

Anafé
Cimade
Amnesty International (section française)

Rapport Gil Robles sur la situation des droits de l’homme en France
La « patrie des droits de l’homme » encore épinglée


Après le rapport du comité européen de prévention de la torture (décembre 2003) et le rapport du comité contre la torture des Nations unies (novembre 2005), le rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe du 15 février 2006 est la troisième condamnation prononcée par une instance internationale contre les pratiques de l’Etat français à l’encontre des étrangers.

A ces critiques, le gouvernement formule les réponses dilatoires habituelles. Sa défense se heurte malheureusement aux constatations contraires effectuées par nos associations, quand nous ne sommes pas purement et simplement entravées dans notre rôle d’observateur, notamment pour ce qui se déroule dans le domaine réservé de la police aux frontières à l’aéroport de Roissy.

Le gouvernement a une conception idyllique des conditions d’exercice du droit d’asile, les requérants n’ayant selon lui qu’à effectuer des « démarches simples » à l’OFPRA ou à la commission des recours des réfugiés, sans obstacle de langue puisqu’ils bénéficieraient majoritairement d’un entretien. Les notions de « demandes d’asile manifestement infondées », de recours « dénués d’éléments sérieux » inscrites dans les textes officiels, la précarité sociale de beaucoup de demandeurs rendant totalement illusoire l’accès à un avocat ou à un traducteur, ou encore le nombre croissant de rejet des demandes formulées en rétention, faute d’interprète, démolissent malheureusement le bel édifice de cette procédure d’asile imaginaire.

Nos associations demandent formellement au gouvernement de prendre en compte les préoccupations et les recommandations exprimées par les organismes internationaux et européens ces dernières années et de ne pas se contenter de ne pas répondre ou de les balayer comme si la situation des droits de l’homme était parfaite en France.

Opacité des zones d’attente

Encore une fois, les conditions de maintien en zone d’attente aux frontières françaises sont fortement critiquées, notamment la volonté des autorités de maintenir ces lieux dans un statut d’extraterritorialité qui justifierait toutes les entorses au droit. En particulier le commissaire dénonce les renvois immédiats, au mépris du respect du jour franc permettant aux voyageurs étrangers de prévenir un avocat ou leur famille, et juge « inadmissible » que cette logique du refoulement instantané puisse être appliquée aux mineurs pour lesquels la loi prévoit en théorie l’assistance d’un administrateur ad hoc. Il constate en outre l’adoption par la France de nombreuses dispositions administratives et policières permettant de diminuer les arrivées de demandeurs d’asile et les décisions trop restrictives d’admission sur le territoire. Enfin, il note que les témoignages de brutalités policières s’accumulent sans que la justice puisse être saisie.


Procédure d’asile dissuasive

Concernant la situation des demandeurs d’asile sur le territoire français, le rapport n’est pas plus indulgent sur les stratégies développées par la France et visant à dissuader les candidats au statut de réfugié par des procédures administratives et juridiques de plus en plus complexes. Il regrette ainsi l’exigence « discriminatoire » de compléter le formulaire de demande d’asile obligatoirement en français dans le délai de seulement 21 jours, la possibilité de rejeter les recours sans convocation à une audience, empêchant le demandeur de ses défendre oralement. Par anticipation il se prononce également contre la réduction prochaine du délai d’appel à 15 jours alors que « former un recours implique des démarches assez lourdes ». Gil Robles observe aussi que l’utilisation de procédures accélérées expéditives d’examen des demandes d’asile se généralise, notamment pour les ressortissants de pays dont il « doute fortement » qu’ils puissent être considérés comme sûrs. Il constate que le taux d’accord particulièrement bas de l’OFPRA n’est que partiellement compensé par les admissions à l’asile prononcées par la commission des recours des réfugiés.

Pour finir, la procédure d’asile depuis la rétention administrative – manifestation de la demande dans un délai de cinq jours et rédaction en français sans qu’un interprète soit fourni - n’est pas jugée satisfaisante : « Le contexte très particulier des centres de rétention [devrait] inciter le gouvernement français à revoir cette exigence linguistique et à introduire rapidement une réforme dans ce sens. »

Plus de places de rétention pour plus de tensions

Sur la rétention administrative des étrangers qui font l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire, le Commissaire aux droits de l’homme critique la permanence des locaux de rétention en marge des centres, « les conditions d’accueil offertes par certains locaux [étant] loin de satisfaire aux normes minimales ». Il réclame la fermeture « sans délai » du centre de rétention du dépôt du Palais de justice de Paris, ainsi que la fermeture du centre de rétention d’Arenc à Marseille. Il partage le constat de tensions accrues liées à la multiplication des reconduites, à l’allongement de la durée de rétention, à l’augmentation de la capacité des centres et à la promiscuité grandissante. « La création d’un centre de 290 places à Vincennes me laisse quelque peu perplexe et je me demande comment un centre d’une si grande capacité pourra apporter aux retenus des conditions de rétention dignes ».

Enfermement illégal des mineurs

Les objectifs chiffrés fixés par le ministère de l’Intérieur en matière de reconduite des étrangers sont qualifiés de « pratique choquante » pouvant conduire à des abus. La présence d’enfants dans les centres de rétention en est une illustration, alors qu’ « aucun enfant ne devrait être enfermé au motif que ses parents ne possèdent pas [de] papiers […] dans des lieux où règnent le surpeuplement, le délabrement, la promiscuité et de très fortes tensions ». Le rapport préconise que la France adopte « un texte qui interdise le placement de mineurs, isolés ou non, aussi bien dans les zones d’attente que dans les centres de rétention ».