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Communiqué
Une présence associative à Roissy qui ne résout
pas tous les problèmes
3 mars 2004
L'Anafé signera vendredi 5 mars dans la matinée une
convention avec le ministre de l'Intérieur afin d'exercer une
assistance permanente auprès des étrangers non admis
à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle.
Cette
convention expérimentale marque l'aboutissement des discussions
engagées depuis plus de deux ans avec le Ministère de
l'Intérieur. L'Anafé se félicite de cette première
étape et souhaite qu'elle permette d'améliorer concrètement
les conditions d'exercice des droits des étrangers en zone
d'attente.
L'Anafé
a accepté de signer cette convention malgré les restrictions
d'accès aux aérogares auxquelles elle sera tenue. Elle
espère que la pratique quotidienne permettra à terme
de lever ces réserves.
Depuis
sa création en 1989, l'Anafé n'a cessé de s'inquiéter
de la détérioration des droits des étrangers
aux frontières, notamment ceux des demandeurs d'asile. Elle
demande que les préoccupations rappelées dans le document
joint soient enfin prises en compte par les pouvoirs publics.
A l’occasion de la signature d’une convention permettant
d’intervenir en permanence dans la zone de Roissy, l’Anafé
tient à rappeler certaines de ses préoccupations quant
au traitement des étrangers – et notamment des demandeurs
d’asile – à la frontière et en amont.
Le nombre des étrangers maintenus en zone d’attente est
en baisse régulière ces dernières années
(23072 en 2001, 20800 en 2002 et 15498 en 2003), tout comme le nombre
de demandeurs d’asile, qui a chuté successivement en
2002 et 2003 de 25% et 24,1% . Environ 98 % des demandes aux frontières
sont enregistrées dans la seule zone d’attente de Roissy.
Dans les ports, presque aucune demande d’asile n’est enregistrée
: il y en avait à peine 20 en 2003.
L’Anafé s’inquiète de la volonté
du gouvernement de favoriser le contrôle des flux migratoires
au détriment de la protection et de l’accueil des étrangers
et en particulier des demandeurs d’asile.
La multiplication de mesures prises, au cours des derniers mois, pour
limiter les arrivées aux frontières et l’accès
au territoire renforce gravement cette tendance :
- l’instauration de visas de transit aéroportuaire pour
les ressortissants de 27 pays où pourtant les violations des
droits de l’homme sont souvent avérées (Afghanistan,
Angola, Haïti, Libéria, Nigeria, Libye, Pakistan, Sri
Lanka etc ...) . En 2003, quatre pays ont été ajoutés
à cette liste dont la Côte d’Ivoire, empêchant
ainsi de nombreux Ivoiriens de venir chercher une protection en France
;
- la mise en place d’officiers de liaison, comme récemment
en Chine. Lorsqu’ils sont affectés dans des aéroports
étrangers, ces fonctionnaires français effectuent un
contrôle des documents des passagers après les contrôles
effectués par les autorités du pays concerné
et recueillent des informations, notamment sur « les moyens
d’aider les autorités du pays hôte à éviter
que les flux d’immigration illégale ne se forment sur
leur territoire ou n’y transitent » ;
- les sanctions aux transporteurs qui acheminent des étrangers
démunis des documents requis ont été portées
à 5 000 euros par la loi du 26 novembre 2003 qui incite également,
notamment grâce à la possibilité de réduire
cette amende, les compagnies de transport à se doter de dispositifs
leur permettant d’établir que « les documents requis
et ne présentant pas d’irrégularité manifeste
leur ont été présentés lors de l’embarquement
» ;
- la généralisation des « contrôles en porte
d’avion » permettant de diminuer le nombre d’étrangers
qui ne pourraient être éloignés si leur provenance
était inconnue, mais aussi de contrôler les personnes
qui souhaiteraient à bon droit profiter de ce transit pour
solliciter leur admission sur le territoire au titre de l’asile
;
- l’interprétation de plus en plus large de la notion
de demande d’asile manifestement infondée qui se traduit
par un taux d’admission sur le territoire « au titre de
l’asile » en chute libre : 15,2% en 2002 et 3,8% en 2003
par rapport au nombre de demandes, chute qui ne peut s’expliquer
par la seule arrivée de « faux réfugiés
». En 2003, pour 631 demandes présentées par des
Ivoiriens, le ministère des Affaires étrangères
n’a rendu que 42 avis favorables malgré la grave crise
qui sévissait dans leur pays ;
- la multiplication des procédures pénales à
l’encontre des étrangers, et notamment des demandeurs
d’asile, ayant refusé d’embarquer, ultime moyen
pour certains d’entre eux de ne pas être renvoyés
vers le pays où ils craignent pour leur liberté, leur
sécurité ou leur vie. Ainsi, en 2003, 32 % (contre 8%
en 2002) des demandeurs d’asile « admis sur le territoire
» ont été en fait placés en garde à
vue afin d’être déférés devant le
tribunal correctionnel pour refus d’embarquement soit 1 301
personnes. L’étranger est passible d’une interdiction
du territoire français de plusieurs années et d’une
peine de prison ;
- le recours aux charters, utilisés pour la première
fois en France en 2003 pour des étrangers maintenus aux frontières,
va se développer aux niveaux national et européen alors
que les étrangers refoulés dans ces conditions n’ont
droit qu’à un examen rapide de leur situation, sans recours
suspensif en cas de rejet.
L’Anafé
s’inquiète également :
- des allégations récurrentes de violences policières
par les étrangers maintenus en zone d’attente, en particulier
lors des tentatives de réembarquement ;
- du maintien en zone d’attente de mineurs non accompagnés,
et des dispositions du décret du 2 septembre 2003 qui ne tiennent
nullement compte des principales recommandations de l’Anafé
et de la CNCDH, notamment pour ce qui concerne l’accès
automatique sur le territoire des mineurs isolés et les critères
de désignation des administrateurs ad hoc, pour lesquels aucune
compétence en droit des étrangers et des réfugiés
n’est requise ;
- des poursuites pénales à l’encontre des personnes
cherchant à venir en aide à des étrangers en
difficulté et à leur témoigner une solidarité
à l’intérieur même de l’avion en cas
de renvoi forcé ;
- de l’attitude de la France qui, dans la négociation
menée au niveau de l’Union européenne pour fixer
des « normes minimales » de procédure, s’efforce
d’obtenir que les garanties contenues dans la proposition de
directive en cours de discussion ne s’appliquent pas à
la procédure à la frontière ;
- des dispositions de la loi relative à la maîtrise de
l’immigration, au séjour des étrangers et à
la nationalité du 26 novembre 2003 qui modifient le fonctionnement
de la zone d’attente et permettent au gouvernement de légaliser
des situations dénoncées parfois depuis de nombreuses
années par l’Anafé, tandis que cette loi ne prévoit
toujours pas de recours suspensif contre les refus d’accès
au territoire.
Il s'agit en particulier des dispositifs relatifs :
- au « jour franc » permettant de renvoyer, sans qu’il
puisse bénéficier de ce délai, tout étranger
refusant de signer sa notification de non admission sur le territoire
ou n’ayant pas expressément demandé à bénéficier
de ce droit.
- à la délocalisation, dans une salle annexe à
la ZAPI 3, des audiences relatives à la prolongation du maintien
en zone d’attente, qui ne répondront donc pas aux exigences
de publicité des débats d’une part, d’indépendance
et d’impartialité d’autre part.
- aux garanties concernant l’interprétariat qui sont
largement entravées par l’utilisation de moyens de télécommunications
malgré l’exigence, par la Cour de cassation, de la présence
physique d’un interprète ainsi que par l’utilisation
systématique du français tout au long de la procédure
lorsque « l’étranger refuse d’indiquer une
langue qu’il comprend ».
- à la nouvelle définition de la zone d’attente
qui est destinée à en favoriser la souplesse et la commodité
de gestion par la police aux frontières, au détriment
des garanties dues aux étrangers. Ainsi la zone d’attente
pourra être étendue à tout lieu situé «
à proximité du lieu de débarquement » ainsi
que ceux « dans lesquels l’étranger doit se rendre,
soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de
nécessité médicale ».
Ces
dispositions, et l’ensemble des mesures recensées ici,
sont d’autant plus préoccupantes que la convention signée
avec le ministère ne fait pas droit à la revendication
initiale de l’Anafé, à savoir un accès
permanent et inconditionnel à la zone d’attente, y compris,
pour la zone de Roissy, aux terminaux et postes de police des aérogares.